Une année sans été

de Catherine Anne
mise en scène Joël Pommerat



1h10

du 04 avril au 04 mai 2014 2014

Berthier 17e

avec Carole Labouze, Franck Laisné, Laure Lefort, Rodolphe Martin, Garance Rivoal

Fragilité violente de la jeunesse
Une année sans été, cela laisse trois saisons, une par acte, en commençant par l’automne – temps des rentrées, donc des départs et des migrations. Gérard veut écrire, il va partir de chez lui, loin de sa ville natale et des bureaux de son père. Gérard a dix-neuf ans, il est bien jeune pour être prudent : une fois à Paris, il avisera. En attendant, tout à son exaltation, il est aussi lyrique que décidé – mais pour peu qu’on l’écoute vraiment et qu’on prenne garde à son projet, le voilà déjà moins sûr d’avoir fait le bon choix. Celle qui l’écoute si profondément, qui l’interroge et l’encourage dans son français maladroit d’Allemande, est à peine plus âgée que lui. Elle aussi voudrait écrire ; elle non plus ne va pas tarder à s’en aller, mais plutôt du côté de l’Angleterre. Avant de traverser la Manche, Anna viendra cependant rendre visite à Gérard. Dans une rue froide de Paris, il lui raconte sa solitude et lui demande en vain de rester, comme s’il n’avait pas vu avec quelle douceur attentive la petite Louisette, la fille de sa logeuse, veillait sur lui à mesure que les journées se faisaient plus courtes... Ainsi commence Une année sans été, la première pièce qu’a publiée Catherine Anne en 1987. De ses cinq personnages – deux hommes, trois femmes – aucun n’a plus de vingt ans. L’intrigue est simple et hasardeuse. Les rencontres se font en tâtonnant, les amitiés se nouent puis se défont, les sentiments se dessinent tant bien que mal tandis que les questions se bousculent, maladroitement, cruellement.
Pour son coup d’essai, Catherine Anne (qui dit de son texte qu’il fut «librement inspiré par la vie et l’œuvre de Rainer Maria Rilke») a réussi une pièce habitée par la fragilité violente de la jeunesse. Car il n’est question que d’elle. Tout ici en parle, et du besoin de s’arracher à la «mort sédentaire» pour trouver sa voie ou s’exposer à son tour au monde, entre besoin d’amour, désir de créer et urgence du mouvement. Joël Pommerat, sensible à cette jeunesse d’un temps révolu, a suffisamment aimé cette pièce pour désirer la mettre en scène. Pour cela, il ouvre une parenthèse dans sa propre carrière de «créateur de spectacles» afin de se mettre au service d’une autre écriture que la sienne. C’est donc à travers sa vision que nous sera révélé ce qu’il advint de la saison manquante – et comment, dans ces destins presque sans histoire, le couperet de la grande Histoire finira par s’abattre.