Albert Cohen


19 janvier 2015 2015

Grande Salle

Ézéchiel, mettant de l’eau dans son encrier.
Comment t’appelles-tu ?
Jérémie
Attendez, je vais voir sur mon passeport. (il sort de sa besace un grand nombre de documents.) Ceci est le permis de chasse d’un lord anglais. Il me sert de passeport quelquefois. Il est très bon à cause du cachet. Ceci est un diplôme de pédicure. Il m’a servi de passeport en Perse. Ceci est mon vrai passeport. Il ne me sert jamais. Ceci (acte de décès) ah, non, ceci, non, ce n’est rien. Ah, voilà mon passeport actuel. Je m’appelle, je m’appelle... (il feuillette puis lit avec difficulté : ) Gaston de Montmorency.
Ézéchiel
Comment ?
Jérémie
Gaston de Montmorency. Eh bien, à cause de ce nom, j’ai eu des difficultés aussi. Qu’est-ce qu’ils trouvent de mal à ce nom ? Il est pourtant joli. Mais ce diable à Strasbourg a fait semblant de ne pas comprendre que ce nom est la traduction de Jérémie Israël. [...]



Albert Cohen, Ézéchiel, Gallimard, NRF, 1956



Rencontre littéraire animée par Paula Jacques



Quittant à l’âge de cinq ans son île natale de Corfou – où il est né le 16 août 1895 – avec ses parents, Albert Cohen émigre en France, à Marseille où il aurait eu à l’âge de dix ans l’expérience du rejet et de l’humiliation se faisant traiter de «youpin». Il relatera cet événement dans Ô vous, frères humains. En 1926, il est attaché à la division diplomatique du Bureau international du travail, à Genève. C’est à cette époque qu’il commence la rédaction de Belle du Seigneur qui ne paraîtra qu’en 1968 chez Gallimard. Pendant la guerre, il est à Londres le conseiller juridique du Comité intergouvernemental pour les réfugiés. En cette qualité, il est chargé de l’élaboration de l’accord international du 15 octobre 1946 relatif à la protection des réfugiés. Après la guerre, il est directeur d’une des institutions spécialisées des Nations Unies, et il refuse d’occuper le poste d’ambassadeur d’Israël. Il consacre les dernières années de sa vie à la promotion de son œuvre. Il meurt le 17 octobre 1981 à Genève.


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Albertcédaire


À lire, l'«abécédaire» que Tobie Nathan, dans notre Lettre n°13, consacre à son cher Albert Cohen, auteur du «plus beau roman d'amour en langue française»...