Clarice Lispector


23 mars 2015 2015

Grande Salle

C’est une terre que je n’ai jamais foulée : j’y ai voyagé dans les bras de ma mère. Mais je me rappelle un soir en Pologne, chez un des secrétaires de l’ambassade : je suis sortie seule sur la terrasse, une grande forêt noire me montrait de façon émouvante le chemin de l’Ukraine. J’ai senti l’appel. La Russie m’avait également. Mais j’appartiens au Brésil.



Clarice Lispector, La Découverte du monde , éd. des femmes, 1995


Une russe de vingt-et-un ans et qui est au Brésil depuis vingt-et-un ans moins quelques mois. Qui ne parle pas un mot de russe, mais pense, parle, écrit et agit en portugais, faisant de cette langue sa profession, et s’appuyant sur elle pour faire ses projets d’avenir proche ou lointain. Qui n’a ni père, ni mère – le premier, tout comme les sœurs de la signataire, naturalisé brésilien – et qui, pour toutes ces raisons, ne se sent aucun lien avec le pays d’où elle vient, pas même à travers les histoires qu’elle a entendues à son sujet. Qui, forcée de retourner en Russie, se sentirait là-bas irrémédiablement étrangère, sans ami, sans profession, sans espérance.



Lettre au président Vargas pour sa naturalisation, 3 juin 1942, in «Le seul moyen de vivre, Lettres», éd. Payot & Rivages, 2010



Rencontre littéraire animée par Paula Jacques



«Je suis si mystérieuse que je ne me comprends pas moi-même». Née le 10 décembre 1920 à Tchéchelnik (Ukraine) et émigrée peu après au Brésil, Clarice Lispector, petite fille, inventait des histoires magiques pour sa mère, meurtrie par des violences subies lors de la guerre civile en Ukraine ; elle n’abandonnera jamais sa croyance dans la force magique du langage. Après la mort de sa mère en 1929, sa famille se déplace à Rio de Janeiro, elle y étudie le droit et rencontre son mari diplomate. Elle le suit partout, en Europe, à Washington puis retourne au Brésil en 1959. Clarice Lispector parle l’anglais, le français et maîtrise plusieurs autres langues, particulièrement l’italien et l’allemand. En 1944 elle publie son premier roman Près du cœur sauvage. Comme toutes les œuvres à venir ce roman est marqué par une focalisation intense sur les états intérieurs, les émotions les plus profondes. Elle meurt le 9 décembre 1977 à Rio de Janeiro.


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