Elsa Morante


3 novembre 2014 2014

Grande Salle

Elle avait beau continuer d'envisager diverses solutions, examinant tous les continents et tous les pays, pour elle, sur le globe entier, il n'y avait pas la moindre trace. Et pourtant au fur et à mesure que les jours passaient, la nécessite et l'urgence de fuir s'imposaient à son cerveau enfiévré.
Au cours des derniers mois, elle avait entendu parler, probablement à la radio, d'émigrations juives en Palestine, venues de l'Europe toute entière. Bien qu'en le connaissant elle ne savait absolument rien du sionisme. Quant à la Palestine, tout ce qu'elle en savait, c'est que c'était la patrie biblique des Juifs et que sa capitale était Jérusalem. Mais pourtant elle finit par conclure que le seul lieu où elle pouvait être accueillie, en tant que juive en fuite, par un peuple de juifs, c'était la Palestine. Et cependant que s'avançait déjà la chaleur torride de l'été, un soir, elle décida de s'enfuir séance tenante, même sans passeport.



Elsa Morante, La Storia, Folio Gallimard, 2004, traduit de l’italien par Michel Arnaud



Textes lus par Fanny Ardant
Rencontre littéraire animée par Paula Jacques



Elsa Morante, née le 18 août 1912 à Rome, passe son enfance dans le quartier populaire du Testaccio. Fille d’une institutrice de confession juive et d’un employé des postes, elle est reconnue par Augusto Morante, surveillant dans une maison de correction. Elle publie très jeune des récits dans plusieurs journaux pour enfants et à dix-huit ans, elle décide de se consacrer à l’écriture, quittant famille et études. Elle collabore à l’hebdomadaire Oggi. Elle épouse l’écrivain Alberto Moravia qu’elle suivra dans l’exil décrété par les fascistes de 1943 à 1944. Ils s’installent à la campagne, dans le Latium méridiona. Elle publie Mensonge et Sortilège en 1948 puis L’Île d’Arturo en 1957. Elle voyage en Espagne, en URSS, en Chine et en 1960 aux États-Unis, où elle se lie avec un jeune peintre, Bill Morrow, qui se suicide en 1962. Elle participe ensuite à la préparation du film de Pier Paolo Pasolini L’Évangile selon Saint Matthieu, sorti en 1964. En 1974, elle publie La Storia, immense succès populaire en même temps qu’il déclenche une vive polémique. Malade des suites d’une fracture du fémur, elle tente de se suicider en 1983 et meurt à Rome deux ans plus tard, le 25 novembre, dans le plus total dénuement.


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À lire :
La Storia, Gallimard, Folio, 2004.
L'Île d'Arturo - Mémoires d'un adolescent, Gallimard, Folio, 1978.
Le Monde sauvé par les gamins
, Gallimard, Du monde entier, 1991.
E.M ou la divine barbare, biographie d'Elsa Morante par Jean-Noël Schifano, Gallimard, NRF, 2013.