Après avoir repris le travail en décembre 2020, les 15 adolescents se sont retrouvés pour une troisième et dernière semaine de stage du 19 au 23 avril 2021 aux Ateliers Berthier 17e, dirigés par Mickaël Phelippeau, Lou Cantor, Hortense Belhôte, en présence également de la créatrice lumière Abigail Fowler.
Afin de rendre compte de cette semaine écoulée, toujours dans le respect des règles sanitaires en vigueur à ce moment là, nous avons demandé à deux participantes de raconter à leur manière ces quatre jours de travail intense. Tatiana et Léa ont souhaité témoigner. Aussi, Abigail Fowler, créatrice lumière et scénographe sur le projet, a accompagné les jeunes toute cette semaine et les a sensibilisé à son travail, elle nous raconte comment. Enfin, Hortense Belhôte, comédienne qui collabore avec Mickaël depuis le début, nous raconte les premiers filages et l’évolution du travail durant cette étape finale.
Tatiana Chistruga, 17 ans, Saint-Ouen
« Cette semaine de stage a été très chargée et intéressante en même temps. On a découvert un nouvel exercice : les portés, et on a amélioré le travail déjà existant. Les portés m'ont marqués. C'est un exercice qui demande beaucoup de concentration, de patience...
Malgré le fait que je n'aime pas le contact physique j'ai ADORÉ ces portés. Cet exercice m'a permis de retrouver en moi une forme de "paix intérieure". Cette paix intérieure m'a beaucoup aidé à me connecter et a faire un travail de qualité. Le plus important est que ces portés m'ont permis de me calmer et en quelque sorte me reposer après les danses très énergétiques d'avant.
Ce que j'ai plus apprécié ce sont les pauses, qu'on attendait sans patience :) car on était épuisés après avoir tout donné. »

Léa N’Dri, 16 ans, Paris 17e

« Alors, la position de la silhouette je l’ai tirée de la danse Shame, la phrase vient de la chanson Forever Young et les ondes qui tirent petit à petit vers le jaune (évidemment) m’ont été inspirées par les ombres qu’on laisse sur le cercle jaune : avec les différents spots de lumière, elles se mêlent et s’entremêlent. J’ai voulu montrer que au début, à mon arrivée dans le projet, j’étais une personne plus « sombre », dans le sens où je connaissais moins de chose et j’étais biaisée donc. Mais avec ce projet, je m’intéresse, je découvre, et donc j’ai l’impression de m’étendre un peu plus à chaque fois vers le jaune. »
Interview d’Abigail Fowler réalisée par Ketchup Mayonnaise
KM : Pourriez-vous nous expliquer votre arrivée sur le projet ?
AF : Je suis arrivée sur le projet pour travailler tout d’abord sur la création lumière du spectacle. J’ai l’habitude de collaborer avec Mickaël Phelippeau, ça fait une dizaine d'années qu’on travaille ensemble et j’aime beaucoup son approche. Par exemple, travailler au plateau avec des personnes qui ne sont pas toujours des professionnelles (comédiens ou danseurs), c’est quelque chose qui me plaît énormément.
Mickaël m’a proposé la création lumière de ce spectacle il y a quelques mois. Au départ, je devais surtout faire la lumière, puis en réfléchissant à l’espace dans lequel la pièce était jouée j’ai aussi pensé à la scénographie.
KM : Comment s’est déroulée cette troisième et dernière semaine de sage ?
AF : Il n’était pas possible à la base que je sois présente toute cette semaine là, mais le contexte actuel a fait que j’ai pu me libérer. Pour ce stage, on a eu la chance de pouvoir déjà découvrir le sol circulaire et jaune. L’idée c’était que je puisse être là pour travailler avec les adolescents, leur montrer comment utiliser la scénographie (rouler les tapis de danse qui révèlent le sol jaune qui n’est pas présenté au départ) et commencer à mémoriser le spectacle pour que je puisse créer un plan de feu, c’est à dire l’implantation des projecteurs ; tout ce travail va me servir pour la résidence au T2G. J’ai créé la lumière dans ma tête cette semaine, et j’ai observé comment le sol fonctionnait, s'il y a des retouches ou pas. Pour moi c’est une semaine utile de travail, c’est une sorte de préparation aux 5 jours de répétitions qui auront lieu au T2G, qui finaliseront le travail.
KM : D'où vous est venue cette idée de cercle jaune sur le sol ?
AF : Bon (rires), Mickaël aime beaucoup le jaune, et on décline toujours cette couleur sur ses projets. Au départ on avait en tête un sol jaune mais pas circulaire. Puis, en voyant les répétitions, il y avait une présence circulaire dans l’écriture de la danse. Donc avec l’idée de ce sol jaune dès le début du projet et cette construction chorégraphique, ça s’est rejoint. Dans un premier temps j’ai montré des simulations de la forme de ce cercle sur les 3 plateaux des théâtres partenaires et on s’est mis d’accord sur ce cercle jaune. Après on s’est demandés quel jaune. Avec un jaune trop appuyé le travail de lumière serait moins évident, donc on est partis sur un jaune moins vif, afin d’avoir des intensités différentes dans les lumières.
C’est vrai que c’est une pièce qui, a priori, va rester sur un temps très définit donc on s’est dit que ça ne faisait vraiment pas sens de partir sur un tapis de danse neuf. Le sol que l’on utilise a été recyclé, c’est un tapis de danse qui a d'abord été utilisé pour un spectacle de Daniel Larrieu en 1996 puis dans un studio de répétition à Château-Thierry. Daniel, qui a travaillé avec Mickaël il y a quelques années, nous a offert ce tapis et nous l’avons découpé et peint avec les ateliers de l’Odéon. C’est donc un tapis qui a eu plusieurs vies.
KM : Comment réagissez-vous face à l’incertitude de pouvoir jouer le spectacle?
AF : On a beaucoup d'incertitudes par rapport au fait que la pièce puisse se dérouler dans de bonnes conditions. Au un moment, on avait évoqué qu’elle se joue en extérieur, mais on s’est dit que ce serait compliqué par rapport au sol et à l’installation que ça aurait été.
J’essaie d’avancer comme je peux, en essayant de fuir toutes les incertitudes et en les intégrant au possible. On essaye de tenir le cap quoi qu’il arrive, pour faire les choses. J’ai vraiment le sentiment depuis 6 mois qu’à chaque fois qu’un projet arrive à être mené au bout et être présenté, c'est vraiment une victoire énorme. Ça me fait prendre conscience de l’importance de tout ce que l’on fait, on s’accroche tous à ça, c’est ce qui nous motive et ce qui nous fait un peu tenir, ne pas baisser les bras et être forts, car ça renforce notre énergie. Donc j’espère que ça pourra se faire comme il faut pour que ça soit une victoire pour tout le monde.

Interview d’Hortense Belhôte réalisée par Ketchup Mayonnaise
KM : Pourriez-vous nous expliquer votre arrivée sur le projet ?
HB : Mickaël (Phelippeau) a fait appel à moi pour ce projet car on a pas le même parcours, lui est plutôt danse contemporaine, moi je viens du monde du théâtre et même de l’histoire de l’art en tant que pédagogue. Je pense que j'étais un peu complémentaire de par mon approche pour aborder le travail avec ces jeunes gens.
KM : Comment se répartit le travail entre Mickaël Phelippeau et vous?
HB : Généralement, c’est Mickaël qui conçoit le spectacle dans sa tête et dans sa totalité. J’essaye de le conseiller et de prendre en charge ce qui est plus de mon domaine comme le rapport au texte et à la prise de parole, même si ça reste son esthétique et que je me plie à ce qu'il a envie de faire voir apparaître chez ces jeunes gens.
KM : Comment s’est déroulée cette semaine de stage ?
HB : Cette semaine était assez particulière car toute l’équipe était présente, Mickaël, Lou (Cantor) Abigail (Fowler) et moi, ce qui nous a permis de construire de manière finale la totalité du spectacle, car on avait tous les paramètres. On a pu avancer sur les chantiers qui étaient en friche depuis longtemps (certaines chorégraphies et l’apprentissage de textes), Puis on aussi dû trancher sur les questions qui étaient restées en suspens depuis quelques temps. Là, on a tout mis bout à bout et fixé une forme définitive.
KM : Comment les jeunes accueillent-ils ça ?
HB : Je pense que pour les interprètes c’est tout aussi important d'avoir une vision d’ensemble du spectacle que pour les metteurs en scène. En tant qu'interprète c’est très important de pouvoir faire un filage, de pouvoir éprouver dans son corps et dans son esprit ce que va être le spectacle dans sa totalité, et ce par quoi on va devoir passer pendant 1h. Je pense que ça finit par faire sens, les choses qui pouvaient être très décousues jusque là prennent leur logique par l’agencement, des textes, des musiques, des corps. Car tout fonctionne souvent sur des effets de simultanéité, on va avoir en même temps un discours par le corps, un discours par le texte, certains interprètes qui vont raconter une chose, d'autres qui vont déjà amorcer la suite. Tout ça je pense que c'était important pour les interprètes de l’éprouver enfin, et de savoir ce qu’on raconte.
KM : Quelles ont été les conséquences de la situation sanitaire actuelle sur le déroulé du stage ?
HB : Certains jeunes n’étaient pas présents cette semaine, malgré leur bonne volonté. On a dû se plier au contexte, car deux d’entre eux étaient cas contacts. Nous avons donc expérimenté quelque chose que je n’avais jamais fait : la « cyber répétition » et même le « cyber filage ».
Nos deux interprètes cas contact suivaient le filage en direct sur un ordinateur et lors des passages d’une d’entre elles, je faisais son corps dans l’espace et elle faisait sa voix par l’ordinateur avec un micro posé à côté. Je ne sais pas si c’est très heureux comme résultat mais en tout cas ça nous a permis de minimiser l’effet… On a pu pallier les absences grâce à ces petites techniques. Mais tout ça marche, car on trouve toujours des solutions, tout le monde est hyper motivé, on s’arrange toujours.
KM : Pouvez-vous nous parler des premiers filages ?
HB : Comme c’est la première fois qu’on a construit tout le spectacle dans sa totalité, nous avons insisté lors de ces filages sur les transitions entre les séquences qui ont pu être travaillées à des moments différents. Il y a des choses qui dataient de 6 mois, d’autres toutes fraîches de trois jours, et on a également tenté d’accentuer la ronde.
KM : Pouvez-vous nous parler du titre ?
Young Yellow Years, qui se traduit par les « Jeunes Années Jaunes », est un peu un hymne à la jeunesse. Grâce à ce spectacle, je retrouve mes 15 ans. Ce titre c’est ça, cet hymne à la jeunesse éternelle.
KM : A ce jour (fin avril 2021), nous ne savons toujours pas dans quelles conditions le spectacle sera présenté, comment le vivez-vous ?
HB : La question qui pesait pour tout le monde était : « est ce que ça va avoir lieu ou pas ? ». Et, de la même manière qu’on a réussi à maintenir toutes les semaines de répétitions et de création avec ce côté “coûte que coûte", on fera tout ce qu’il est possible de faire.
Pour pouvoir avancer et le faire bien, on a tranché toutes les incertitudes, et on ne se pose plus la question, on joue à une date prévue. La seule question qui reste c’est “devant qui ?”, mais ça, c’est secondaire. Finalement, je trouve ça très agréable de ne pas savoir cela lorsque l’on travaille. La question du monde, des spectateurs, de la virtualité ou non du public, c'est une autre question. Après ce ne sera que du plus si on joue dans une demi-jauge ou dans un quart de jauge, ce serait le paradis.