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Elle les conduisit vers les sièges et les fauteuils, puis leur mêla du miel, de la farine et du fromage dans du vin de Pramnos, ajoutant ensuite au mélange un philtre qui devait leur faire oublier la patrie.
Odyssée, X, 233-240 (trad. Philippe Jaccottet)
Après Ithaque, créé en 2018 aux Ateliers Berthier, Le Présent qui déborde nous emmène, au moyen de films réalisés par Christiane Jatahy et sa compagnie, aux côtés de Télémaque, le fils d'Ulysse. Celui-ci tente de retrouver les lieux traversés par l'odyssée paternelle, et rencontre de nouveaux Ulysses, de nouvelles Pénélopes, qui vivent - autour de la Méditerranée comme ailleurs - les souffrances des réfugiés de notre temps.
Ces lieux, tels qu'Homère nous les a décrits, plusieurs chercheurs ont tenté de les localiser.
La carte ci-dessous est l'œuvre du professeur Peter T. Struck, qui souhaitait donner un aperçu général du voyage d'Ulysse à ses étudiants, malgré les incertitudes qui accompagnent nécessairement toute tentative de cartographie exhaustive de l'Odyssée. (source : Lapham's Quarterly). La carte restitue les hypothèses faites par différents auteurs, depuis le cartographe Abraham Ortelius au XVIIe siècle jusqu'au voyage réalisé par les anciens étudiants de l'Université de Columbia en 2009.
Cliquer au bas de la carte sur diapositives 1 à 6 pour comparer les différentes hypothèses, et sur les ronds pour découvrir les étapes (en anglais).
L'une de ces reconstitutions est l'œuvre de Victor Bérard, helléniste et philologue, mais aussi professeur de géographie et homme politique, auteur de l'une des traductions majeures de l'Odyssée, qui entreprit un voyage autour de la Méditerranée en 1912, suivant les traces d’Ulysse, prenant des photos et rassemblant des informations. En 1933, son livre de photographies de voyage publié à titre posthume, Dans le sillage d’Ulysse, établissait des parallèles directs entre le monde de l’Odyssée et celui du XXe siècle.
Le voyage de Télémaque reconstitué par Christiane Jatahy obéit à une logique un peu différente :
Nous sommes partis dans cinq lieux du monde à la rencontre de personnes qui vivent une odyssée chaque jour : des acteurs en exil, réfugiés dans des pays tels que la Palestine, le Liban, la Grèce, l’Afrique du Sud... Et pour la dernière partie du travail nous sommes retournés au Brésil et j’y ai écrit un scénario à partir des chants d'Homère. Un script qui s’apparente à la course de relais des Jeux Olympiques où le « passage de témoin » serait la matière du film même, qui court de pays en pays.
Je voulais rencontrer tous les Ulysses et toutes les Pénélopes possibles, ces personnes qui ont dû quitter leur pays pour tenter de reconstruire un sentiment d’appartenance, ailleurs.
[...] En Palestine, par exemple, nous sommes allés travailler avec des gens dans le camp de réfugiés de Jénine. Dans chaque lieu, nous avancions dans l’histoire homérique. La partie filmée en Palestine met en relation l’histoire du Cyclope et la violence de la guerre.
Au Liban, nous avons rencontré des acteurs syriens. Nous avons tourné l’épisode de Circé sur l’île d’Ayayé, après l’aveuglement du Cyclope ; l’entrée chez Hadès, quant à elle, est filmée en Afrique du Sud, où nous avons travaillé avec des artistes réfugiés du Zimbabwe et du Malawi. Là, nous avons rencontré des familles qui ont littéralement traversé l’enfer, vécu la mort de très près et en sont revenues...
Christiane Jatahy (entretien réalisé pour le Festival d'Avignon)