Penthésilée


January 27 1998 to February 28 1998



Etrange histoire que celle des Amazones. Elles n'ont fait que traverser de loin en loin le monde légendaire, aux temps lointains de la guerre de Troie. Puis nul n'entend plus parler d'elles, et nul ne sait comment leur nation s'est éteinte. Etrange peuple de femmes guerrières, qui lutte contre l'homme pour s'unir à lui après avoir choisi de l'exclure. Et ce qui se révèle au coeur de cette guerre, c'est la puissance obsédante de l'absent, le désir qu'il suscite : au pays des Amazones, lorsqu'elles célèbrent leurs unions au cours de la Fête des Roses, la présence de l'homme gagne une force qui est celle des rêves accomplis. Etrange joute amoureuse, étrange songe tragique auquel la jeune compagnie de Julie Brochen nous convie, trois ans après avoir monté avec succès La Cagnotte d'Eugène Labiche. Des femmes s'y partagent tous les rôles - comme si la Fête des Roses, et le drame tout entier, s'accomplissaient à la façon d'un rituel que les Amazones célébraient entre elles. Ou comme si l'étreinte de la mêlée finissait par confondre l'identité des combattants. Peut-être les Amazones sont-elles une fable qu'hommes et femmes fascinés peuvent rêver pour y déchiffrer quelque chose de leur désir commun. Et peut-être est-ce une telle fable que Kleist, tant de siècles après les Grecs, a voulu nous tendre comme un troublant miroir, pour que s'y réfléchisse un instant le monde insoutenable dont la reine est Penthésilée, celle qui triompha d'Achille, l'amante la plus lucide et la plus folle.