Giulio Cesare
spectacle de ROMEO CASTELLUCCI d'après WILLIAM SHAKESPEARE et d'autres auteurs
mise en scène ROMEO CASTELLUCCI / SOCÌETAS RAFFAELLO SANZIO
du 08 novembre 2001 au 18 novembre 2001
Théâtre de l'Odéon
avec Cristiana Bertini, Maurizio Carrà, Dalmazio Masini, Giancarlo Paludi, Fabio Saijz, Federica Santoro, Sergio Scarlatella, Silvano Voltolina
Après son premier contact avec le public parisien à l'occasion de Genesi et du Combattimento, nous tenions à ce que la Socìetas Rafaello Sanzio puisse revenir dans nos murs. Présenté au Festival d'Avignon, où il suscita des polémiques mémorables, Giulio Cesare donne à voir la recherche de la Socìetas dans sa brutalité la plus radicale. Le travail corporel et vocal s'y mue en autopsie des rouages organiques où se rejoignent la parole et la chair. La voix y est traquée jusqu'au fond des gorges, sabotée ou déformée par inhalation d'hélium, mimée par des machines. Orphelins du grand style oratoire, des corps comme expropriés de leurs noms - Cicéron devient un obèse instrument à cordes, Brutus une femme squelettique - errent dans un monde déorbité par le meurtre de César.
Giulio Cesare ou l'Empire rhétorique
La rhétorique a été la seule pratique (avec la grammaire, née après elle) à travers laquelle notre société a reconnu son langage et sa souveraineté. Elle s'est imposée au delà des idéologies qui se succédaient, telle une idéologie supérieure de la forme. Le pouvoir apparaît comme tel seulement là où il se revêt de la force du verbe. Du verbe rhétorique. L'envoûtement de la rhétorique : l'éléphantiasique levain de la parole vide. Persuasion qui, sans souci de l'objet, n'a rien d'autre en vue que son propre effet d'art. Art en tant que contrôle, là où la forme de l'amphithéâtre grec se superpose à celle, en tout similaire, du sénat. La rhétorique prend-elle fin là où commence le théâtre? Le théâtre commence là où commence la rhétorique, peut-être. La rhétorique accepte et révèle la corruption du théâtre ; elle porte sur le théâtre un regard impie, scabreux ; elle en exalte le vrai visage, qui est, précisément, celui de la fiction, de la corruption.
Outre le texte de Shakespeare, il y a les historiens latins : Suétone, Cornélius Nepos, Tacite, Dion Cassius, Appien, Salluste et Jules César lui-même. Il y a les écrits des rhétoriciens : Cicéron, Quintilien. Et puis la source du poète : Les Vies des hommes illustres, de Plutarque. Et le dernier cercle de Dante (...).
(Extraits des notes de Romeo Castellucci)
A lire...
Roland Barthes : "L'ancienne rhétorique", in Recherches rhétoriques
(Communications, 16, 1970, republié dans la coll. Points n°297, 1994, pp. 254-333).
Richard Marienstras : Shakespeare au XXIe siècle, Paris, Minuit, 2000.
Plutarque : Jules César, in Vie des hommes illustres, Gallimard, coll. La Pléiade, 1937.