La Rose et la hache

de William Shakespeare / Carmelo Bene
mise en scène GEORGES LAVAUDANT
du 04 novembre 2004 au 27 novembre 2004
Berthier grande salle



avec Astrid Bas, Ariel Garcia Valdès, Babacar M'baye Fall, Georges Lavaudant, Céline Massol

Le public parisien dut attendre jusqu'en 1977 pour découvrir enfin en chair et en os, grâce au Festival d'Automne, l'homme-théâtre Carmelo Bene dans ses oeuvres faussement narcissiques. Son cinéma était déjà apprécié de quelques inconditionnels. Parmi eux, une bande de Grenoblois, au nombre desquels Georges Lavaudant et Ariel Garcia Valdès, dont le Théâtre Partisan faisait depuis trois ans les belles heures du Centre Dramatique National des Alpes.

Un an après ce premier passage en terre française, Bene publia une nouvelle pièce, presque aussitôt traduite et publiée aux éditions de Minuit avec un important commentaire de Gilles Deleuze, sous le titre de Superpositions. Cette pièce, «Richard III» ou l'horrible nuit d'un homme de guerre, est évidemment inspirée de Shakespeare, auteur qui ne cessa de fournir à Bene de quoi alimenter son oeuvre propre. Des pages entières de son Richard III sont constituées d'emprunts presque littéraux, mais parler d'adaptation serait méconnaître complètement la nature et l'ampleur du traitement appliqué au texte-source. Le travail de Bene, plus qu'une mise en scène, est un essai critique à part entière. Car c'est depuis la scène et à même la lettre shakespeariennes que Bene en démonte la dramaturgie afin de mettre à l'épreuve ses constituants et effectuer à nouveaux frais une reconstruction de son héros. A ceci près que le corps royal que se fabrique Richard est difforme, improvisé à l'aide de bandages, de bosses postiches, de membres artificiels et de tout un bric-à-brac orthopédique : le bistouri de Bene, dans ce «théâtre d'une précision chirurgicale», opère aussi sur l'esthétique elle-même, c'est-à-dire sur les liens qui unissent Pouvoir et Représentation.

 

Très vite, Georges Lavaudant décide de recréer à son tour le montage de Bene. Non pas pour en exécuter la partition, mais pour le traverser à sa façon, austère et baroque. La Rose et la hache fut conçu, distribué, répété en moins de trois semaines ; puis il fut joué 17 fois. Et les privilégiés qui l'applaudirent ne se doutèrent pas qu'ils venaient de découvrir à l'état naissant le rôle dont Ariel Garcia Valdès donnerait un jour, dans la Cour d'Honneur du Palais des papes, une interprétation devenue aujourd'ui mythique. Vingt ans après, pour saluer la mémoire de Carmelo Bene, Lavaudant a souhaité réinventer un spectacle qui fut inspiré par son exemple. A cette occasion, pour quelques soirs, Ariel Garcia Valdès redeviendra l'inoubliable «Richard, duc de Gloucester, plus tard Richard III».