Le Retour

de Harold Pinter
mise en scène Luc Bondy
 



2h20

du 28 octobre au 23 décembre 2012 2012

Odéon 6e

avec Bruno Ganz, Louis Garrel, Pascal Greggory, Jérôme Kircher, Micha Lescot, Emmanuelle Seigner

À relire Pinter aujourd’hui, un demi-siècle après la création du Retour et moins d’une décennie après son prix Nobel, sa véritable stature et son originalité prennent un relief nouveau. Il suffit d’entrer chez lui pour passer dans un autre monde au verso de nous-mêmes, du côté de notre part inavouée, en un point où se rejoignent le rêve et l’insomnie. Voyez Le Retour, qui s’ouvre sur le silence d’un individu lisant le journal. Homme et espace sans qualités ou presque, banalité d’un jour que rien ne distingue, telles sont les données initiales. En quelques scènes, ce trompe-l’œil va devenir une toile de Lucian Freud ou de Francis Bacon – « une île de la solitude », dit Luc Bondy – et cela sans qu’aucun élément visible ne soit modifié, sans que soit versée une seule goutte de sang, uniquement par le rapport des corps, le tranchant des paroles, la charge d’une violence comprimée à l’extrême. Car le « retour » est aussi un retournement : tous les jeux sociaux, familiaux, professionnels, matrimoniaux tels qu’ils se jouent couramment sont subvertis sous nos yeux, tantôt par degrés minuscules, tantôt par brèves et brusques saccades (le temps dramatique de Pinter est d’ailleurs inséparable de sa vision : immobile puis jaillissant, c’est un temps venimeux d’animal et de prédateur, un temps de serpent). À une telle partition, il faut des interprètes qui sachent tenir et relancer les mille nuances d’un registre qui s’étend de la vague allusion à la menace la plus précise, du sous-entendu presque anodin à l’attaque frontale. Luc Bondy aime ces œuvres mystérieuses qui frôlent et puis foudroient, suggérant plus qu’elles n’affirment. Pour aborder la subtile musique de chambre pintérienne, il en a commandé une version nouvelle à un traducteur qui parle couramment tous les dialectes de la tension : Philippe Djian.

à lire Le Retour d'Harold Pinter, traduit par Philippe Djian, Gallimard, octobre 2012.