avec Youssouf Abi-Ayad, Éléonore Auzou-Connes, Clément Barthelet, Romain Darrieu, Rémi Fortin, Johanna Hess, Emma Liégeois, Thalia Otmanetelba, Romain Pageard, Maud Pougeoise, Blanche Ripoche, Adrien Serre
Pour travailler avec le Groupe 42 du Théâtre National de Strasbourg, Thomas Jolly, artiste associé au TNS, a choisi d’embarquer ces jeunes artistes dans un « huis clos au milieu de l’océan » où se pose avec cruauté une question touchant à la racine du théâtre, art collectif et art du collectif : ce que l’être humain, cet animal qu’on dit sociable, appelle être ensemble.
« En 1940 », écrit Georg Kaiser, « un vapeur qui devait conduire au Canada des enfants de villes anglaises bombardées fut torpillé en pleine mer. » Sur cette donnée simple et tragique, le dramaturge allemand (1878-1945) imagine un drame d’un dépouillement absolu où se rejoue sous forme concentrée l’histoire de toute l’humanité. La pièce s’ouvre sur un effroyable naufrage. À l’aube, douze survivants sont découverts dans une unique embarcation : six garçons et six filles. Aucun ne paraît avoir plus de treize ans. Deux d’entre eux se distinguent. Ann serre contre elle un thermos de lait encore chaud. Allan a pensé à emporter son écharpe. Ils sont les premiers à se réveiller. « Allan et Ann » : leurs deux prénoms prononcés ensemble sonnent comme s’ils étaient « seuls au monde ». Et c’est sans doute au premier couple, Adam et Ève, plus encore qu’à Noé, survivant du Déluge, qu’ils songent tous deux en contemplant la mer.
Quand les autres enfants se réveillent à leur tour, Allan sait trouver les mots qu’il faut. À trois jours au moins des côtes, il leur faudra ramer et partager les quelques provisions de secours chargées sur le canot. Le partage est justement la règle que tous ont adoptée spontanément : chacun sans exception a bu un peu de lait dans le gobelet qu’Ann leur a tendu. Les enfants ne sont-ils pas l’innocence incarnée ? Eux-mêmes le croient. La charité d’Ann, l’énergie d’Allan, feront merveille en unissant les forces de tous. Et la découverte d’un dernier passager, caché à la poupe sous un pan de toile, paraît d’abord le confirmer. Ce n’est qu’au deuxième jour, à l’heure où les enfants s’apprêtent à manger « ensemble », qu’Ann s’avise qu’ils sont désormais treize. « Treize ! » Dès lors, tout va basculer. Treize est le nombre du malheur, de la malédiction, la fêlure minuscule par laquelle Ann va réintroduire la loi adulte en invoquant « Jésus et ses douze apôtres »...
Thomas Jolly l’a noté : le texte de Kaiser, sous son apparente limpidité, met à jour « le mécanisme de la monstruosité » par lequel s’accomplissent « la scission d’une communauté, la lutte pour le pouvoir, la force d’endoctrinement... » Comme si l’humanité, condamnée à se répéter, ne pouvait se constituer et s’unifier qu’au prix d’un sacrifice. Ou comme si, à la sublime utopie d’une communauté ouverte, devait fatalement succéder la fermeture de la société réelle, autour d’un autre partage : après celui du lait, celui du sang, du crime et du silence... Peut-on échapper à l’Histoire ? Qu’est-ce qui fonde le lien social : la solidarité de tous, ou l’exclusion d’un bouc émissaire ? Thomas Jolly a aimé cette pièce trop peu connue, l’une des dernières de celui qui fut dans les années 20 le maître incontesté de l’expressionnisme. Il y a vu une interrogation portant à la fois sur notre nature, notre histoire et – malheureusement – « notre actualité ».
Générique
traduction de l'allemand Huguette et René Radrizzani (éditions Fourbis, 1997)
scénographie Heidi Folliet, Cecilia Galli
Construction Heidi Folliet, Cecilia Galli, Léa Gabdois-Lamer, Marie Bonnemaison et Julie Roëls
costumes, maquillages et coiffures Oria Steenkiste
Accessoires Léa Gabdois-Lamer
lumière Laurence Magnée
vidéo et effets spéciaux Sébastien Lemarchand
composition musicale Clément Mirguet
son Auréliane Pazzaglia
Plateau et machinerie Marie Bonnemaison et Julie Roëls
Régie générale Marie Bonnemaison
Collaboration à la mise en scène Mathilde Delahaye, Maëlle Dequiedt
consultante en théologie Corinne Meyniel
Administration – Communication – Actions culturelles Célia Thirouard
Production – Diffusion Dorothée de Lauzanne
Spectacle créé avec l'accompagnement artistique de La Piccola Familia : Thibaut Fack (scénographie), Clément Mirguet (son) et Antoine Travert (lumière).
Équipes techniques et pédagogiques Bruno Bléger (régie générale), Dominique Lecoyer (directrice des études), Pierre Albert (scénographie et costumes), Sophie Baer (lumière), Hervé Cherblanc (scénographie), Gregory Fontana (son et vidéo), Elisabeth Kinderstuth (costumes), Roland Reinewald (artifices), Françoise Rondeleux (chant), Bernard Saam (plateau), Hélène Wiss (maquillages et coiffures).
Les décors et costumes ont été réalisés aux ateliers du Théâtre National de Strasbourg
Production La Piccola Familia
Coproduction Théâtre National de Strasbourg
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National
Avec le soutien de l'ODIA Normandie / Office de Diffusion et d'Information Artistique de Normandie
Création le 17 juillet 2016 au Festival d'Avignon
Thomas Jolly est artiste associé au Théâtre National de Strasbourg.
La Piccola Familia est conventionnée par la DRAC Normandie, la Région Normandie et la ville de Rouen.
Infos pratiques
environ 1h45
20h du mardi au samedi / 15h le dimanche