Cercles / Fictions

de & mise en scène Joël Pommerat
du 23 mai 2012 au 03 juin 2012
Ateliers Berthier



2h20


avec Jacob Ahrend, Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Gilbert Beugniot, Serge Larivière, Frédéric Laurent, Ruth Olaizola, Dominique Tack

À partir de ce soir,
n'ayez plus peur de vivre davantage.
Joël Pommerat

Cette saison, la création de Joël Pommerat s'accompagnera de la reprise de deux spectacles. L'un a été créé aux Bouffes du Nord voici deux saisons. L'autre a marqué l'arrivée de Pommerat dans nos murs en tant qu'artiste associé. C'est trop peu dire que Ma chambre froide a été une réussite : en 2011, toutes les places disponibles se sont arrachées en quarante-huit heures. Une reprise s'imposait.  Cercles / Fictions, qui fut également un formidable succès, forme avec l'autre pièce une sorte de diptyque. Leurs thèmes ne sont pas sans affinités, bien que les traitements narratifs soient très différents. Surtout, ces deux œuvres sont les premières que Pommerat, délaissant la frontalité du théâtre à l'italienne, ait voulu déployer dans un espace circulaire. Mais les cercles de Cercles ne désignent pas la seule arène où surgissent les visions orchestrées par Pommerat. Ils définissent aussi, plus ou moins restreints, des groupes de personnages, qui sont autant de pierres vives jetées dans l'eau du temps. Chacun d'entre eux se meut au sein d'un horizon plus ou moins étroit, nettement circonscrit et identifié par une date. Pommerat en dresse une liste dans les premières pages de son texte. Sept ou huit «cercles» y sont énumérés dans leur ordre d'apparition en scène, lequel n'a rien de chronologique. Certaines dates sont très proches l'une de l'autre, au point d'être presque indiscernables ; d'autres sont séparées par un gouffre de plusieurs siècles. L'imprévisibilité est absolue. À chaque fois que le noir se fait, impossible de savoir quel cercle la lumière à son retour révèlera sous nos yeux. Car à chaque fois, c'est une intrigue différente qui revient. De l'une à l'autre, les seules interférences sont le fait de notre conscience de spectateur. C'est à nous qu'il revient de rêver en relevant des échos, des retours, peut-être des filiations. Telle forêt où deux couples tournent en rond est-elle encore celle où s'immobilise une silhouette médiévale ? Les pleurs qu'on y entend ont-ils résonné, presque un siècle plus tôt, dans la chambre d'un enfant délaissé ? Peu à peu, dans ce puzzle d'histoires dans l'Histoire (ou s'agit-il, plutôt que d'un puzzle, d'une obscure forêt des existences ?), l'ombre de lois moins apparentes, presque insaisissables, commence à transparaître comme en filigrane. Partout des vies viennent toucher à l'essentiel – et la peur, la solitude, le besoin d'être aimé ou reconnu, la recherche tâtonnante d'un abri qui nous préserverait du pire, dans l'urgence ou le vertige du désespoir, sont comme des intersections entre tous ces fragments d'humanité qui s'ignorent mutuellement : points mouvants, invisibles, d'autant plus sensibles qu'ils ne sont jamais énoncés. Et chacun des cercles enchantés que Pommerat trace autour de ces quelques existences le donne à voir et s'en souvient.

 

 

à lire Cercles / Fictions de Joël Pommerat, Arles, Actes Sud, coll. Actes Sud-Papiers, 2010
Joël Pommerat est artiste associé à l’Odéon-Théâtre de l’Europe jusqu’en juin 2013