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Il y a quelques jours, nous apprenions avec un grande tristesse la disparition de Michel Piccoli. Retour sur la carrière de ce grand acteur, qui a joué plusieurs fois à l'Odéon.

« La magie splendide du théâtre », comme il la nommait, Michel Piccoli la découvre tout petit, en jouant la comédie dans son collège. Après le cours Simon, il intègre l'avant-gardiste Théâtre de Babylone, et joue aussi avec la compagnie Renaud-Barrault : Jean-Louis Barrault le dirige à l’Odéon-Théâtre de France en 1962 dans La nuit a sa clarté de Christopher Fry. Jusqu’au milieu des années soixante, il joue dans cinq à six pièces par an.
Mais c’est au cinéma qu’il se fait connaître d’un plus large public, au début des années cinquante, et il y consacrera l’essentiel de son art. Il sera cependant dirigé au théâtre par les plus grands : Jean-Marie Serreau, Claude Régy, Jean Vilar, Peter Brook, Luc Bondy, Patrice Chéreau, Klaus Michael Grüber, Robert Wilson, ou encore André Engel.
« Je ne sais toujours pas si c'est un métier, si c'est pas la farce d'un métier... Il faut être farceur pour être acteur, faut pas être solennel, faut pas se dire qu'on est créateur, c'est pas vrai. On est créateur à deux, au moins avec l'auteur et aussi avec le metteur en scène, ça fait trois et aussi avec le partenaire, ça fait quatre. » (À Voix nue, dialogue avec Laure Adler, 22 mai 2006, France Culture).

Avec Luc Bondy il joue dans Terre étrangère, de Schnitzler, en 1984 aux Théâtre des Amandiers de Nanterre, Le Conte d’hiver de Shakespeare en 1988, aux Amandiers et à Avignon, et John Gabriel Borkman, d’Ibsen, au Théâtre Vidy-Lausanne, puis à l’Odéon-Théâtre de l’Europe en 1993.
« Pendant douze minutes, au début de la représentation, Michel Piccoli est seul sur le plateau, de dos, juché sur une échelle, silencieux. Et chacun dans la salle est fasciné », se souvient la journaliste du Monde, Brigitte Salino. À peu près à cette époque André Engel lui propose d’être le roi Lear de Shakespeare, mais Michel Piccoli refuse. Têtu, le metteur en scène le rappelle une dizaine d'années plus tard, et le comédien accepte : « J'avais passé l'âge de la coquetterie » (À Voix nue, id.). La création se fera à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, aux Ateliers Berthier, en janvier 2006. « Dans la voix de Michel Piccoli, il y a ce crissement de neige feutrée, la douceur infinie et l’éclair d’un Jupiter tonnant lorsqu’il se met en colère », écrit Armelle Héliot dans Le Figaro.
Il sera récompensé du Molière du comédien à deux reprises, en 2006 et 2007, pour ce Roi Lear. André Engel lui offre encore en 2009 un dernier rôle, celui de Minetti, dans la pièce éponyme de Thomas Bernhard : il incarne un acteur vieillissant, venu soi-disant rencontrer un directeur de théâtre dans un hôtel, afin de « jouer Lear, encore une fois le jouer, une fois rien qu’une et puis plus ».

 

Photos John Gabriel Borkman, d'Henrik Ibsen, mise en scène Luc Bondy, 1993 © Ruth Walz
Photos Le Roi Lear, de Shakespeare, mise en scène André Engel, 2006 © Marc Vanappelghem