avec Juliette Binoche, Nicolas Bouchaud, Bénédicte Cerutti & un chœur composé d'amateurs locaux.
… Une situation qui pose le couvercle
sur le cercueil d'une génération.
August Strindberg
Pour réunir sur scène deux artistes tels que Juliette Binoche et Nicolas Bouchaud, il fallait l'un des plus intenses et poignants affrontements du répertoire. C'est à un duel atroce que nous fait assister l'auteur de La Danse de mort, entre un valet trop bien doué, séduisant, ambitieux, et une jeune femme trop sensible à la supériorité de sa propre position, qui se sent comme captive au sommet d'une haute colonne et s'invente, pour passer le temps, des jeux plus ou moins cruels où elle achève de dompter les hommes. Tout semble se passer à la fois en l'espace de quelques heures pendant une nuit d'été – et dans un temps qui échappe à toute mesure objective, sorte de flux onirique du fond duquel remontent des souvenirs, des images d'abord sans lien qui vont peu à peu nouer leurs filets comme pour y prendre l'héroïne à leur piège. Au-dehors, la fête continue, en l'absence de Monsieur le comte. Au-dedans, c'est d'abord le vin qui coule, verre après verre, tandis que la tension monte entre la jeune maîtresse et celui qu'elle trouble, et que leur conversation louvoyante, passant d'un plan à l'autre, tâtonne entre le «vous» et le «tu»... Mais qu'est-ce donc que le «dehors» et le «dedans» ? Ce qui lie et entrave les protagonistes n'est-il pas d'abord à chercher en eux-mêmes ? Fisbach n'a pas oublié que Strindberg lui-même disait de sa pièce qu'elle était «un combat entre cerveaux», un hjärnonas kamp, écrit Régis Boyer, «qui ne se traduit pas nécessairement par des crimes dans l'acception courante du terme, mais par un lent assassinat psychique où, à partir de moyens psychologiques (suggestions, insinuations perfides, introduction d'un doute funeste dans la conscience de la victime visée, hypnose, hallucinations soigneusement entretenues, et ainsi de suite), il s'agit d'amener à sa perte le sujet d'exception dont la présence parmi nous est intolérable»... Il fallait inventer pour ce «meurtre d’âme» (själamord) un espace qui rende sensible le fait que la lutte entre ces deux êtres se situe d'abord en eux-mêmes, et dans une histoire qui échappe à leurs prises. Fisbach s'est arrêté à une solution radicale, s'affranchissant des conventions naturalistes du décor dicté par Strindberg, de façon à moderniser les événements (ou plutôt à les «intemporaliser») tout en concentrant notre attention sur les corps en présence. Tout se joue donc, plus que jamais, dans le ballet mortel entre Jean et Julie. Le premier est incarné par un acteur qui fut Lear, Danton, un désopilant Ponce-Pilate ou l'impayable Petypon de La Dame de chez Maxim sous la direction de Jean- François Sivadier ; la seconde, malgré une carrière au cinéma qui a fait d'elle une étoile mondiale, n'a jamais perdu le goût de la recherche, de la scène – en un mot, des rencontres. Et celle-ci est plus qu'une promesse de bonheur.
à lire Mademoiselle Julie d'August Strindberg, trad. Terje Sinding, éd. Circé, 2008.
Générique
d'August Strindberg
mise en scène Frédéric Fisbach
18 mai – 24 juin 2012
Théâtre de l'Odéon / 6e
scénographie, lumière, costumes : Laurent P. Berger
création des costumes de Juliette Binoche et de Nicolas Bouchaud : Alber Elbaz pour Lanvin
dramaturgie : Benoît Résillot
traduction : Terje Sinding
collaboration artistique : Raphaëlle Delaunay
coiffure et maquillage : Sylvie Cailler
avec Juliette Binoche, Nicolas Bouchaud, Bénédicte Cerutti & un chœur composé d'amateurs locaux.
production Festival d’Avignon
coproduction Odéon-Théâtre de l’Europe, les Théâtres de la Ville de Luxembourg, Théâtre Liberté de Toulon, Barbican London, La Comédie de Reims Centre dramatique national, CDDB-Théâtre de Lorient Centre dramatique national, France Télévisions, Compagnie Frédéric Fisbach
action financée par la Région Île-de-France
avec le soutien de la Maison Lanvin et le soutien spécial de SPAC-Shizuoka Performing Arts Center
avec le soutien de l’Adami
créé le 8 juillet 2011 au Gymnase Aubanel, Festival d'Avignon, 65ème édition
Spectacle accessible aux déficients visuels.
L'Odéon vous offre le service de description simultanée diffusée par casque ainsi qu'un programme en braille ou en gros caractères:
le mercredi 30 mai à 20h & le dimanche 3 juin à 15h / Théâtre de l'Odéon.
http://www.yanous.com/tribus/aveugles/aveugles111007.html
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Infos pratiques
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