Orlando

d'après Virginia Woolf
mise en scène Robert Wilson
du 21 septembre au 24 octobre 1993
Théâtre de l'Odéon



avec Isabelle Huppert

Orlando est considéré comme étant le plus ludique des romans de Virginia Woolf, mais comme toute sa prose, il s'en dégage un certain classicisme dans l'impression qu'il donne d'être composé uniquement de monologues ou de chœurs. Le génie de Woolf résidait dans son imagerie et dans sa capacité à faire surgir de la littérature anglaise et du cadre anglais de son époque, un flux ininterrompu et étonnant de langage poétique, des phrases urgentes et rythmées, chargées de sens et d'une construction parfaite ; un jet de paroles brillant, classique dans sa pureté et dans sa conception, sans entraves et plein de confiance.
Les dessins de Robert Wilson pour les décors de son adaptation d'Orlando partagent l'atmosphère classique de la prose de Virginia Woolf. Tout comme Woolf recrée avec fantaisie l'histoire anglaise, avec des mouvements illuminés ou cachés d'époque en époque, et avec les ombres de la vie intérieure de son observateur à travers le temps, de même Wilson a utilisé les valeurs du clair-obscur pour former une séquence picturale riche en texture et d'humeurs nuancées, contenue dans l'idée d'une composition strictement formelle. Ces surfaces qui arrêtent l'attention, délicates et mystérieuses, répondent à l'esprit du langage de Woolf.
La relation, l'appel et la réponse, entre la prose de Woolf et les dessins de Wilson trouve sa source dans l'affinité naturelle entre la poésie et la peinture. Toutefois, si Orlando fournit le prétexte pour ces dessins, ils n'illustrent d'aucune façon le texte de Woolf, ni même fournissent une série de cadres pour son histoire. On pourrait les voir comme autant de cartes de territoire que Wilson veut dégager afin que le langage de Woolf puisse s'épanouir sur la scène ; une expérience visuelle synchronisée avec une expérience auditive. (...)
Darryl Pinckney