La Dame de chez Maxim

de GEORGES FEYDEAU
mise en scène JEAN-FRANCOIS SIVADIER
du 20 mai 2009 au 25 juin 2009
Théâtre de l'Odéon



avec Nicolas Bouchaud, Cécile Bouillot, Stephen Butel, Raoul Fernandez, Corinne Fischer, Norah Krief, Nicolas Lê Quang, Catherine Morlot, Gilles Privat, Anne de Queiroz, Nadia Vonderheyden, Rachid Zanouda et Jean-Jacques Beaudouin, Christian Tirole.

Comment je suis devenu vaudevilliste ? C'est bien simple. Par paresse, tout simplement. Comment ! Cela vous étonne ? Vous ignorez donc que la paresse est la mère miraculeuse, féconde du travail. Et je dis miraculeuse, parce que le père est totalement inconnu.
Feydeau

Rien ne réclame plus d'organisation et de méthode que cette fantastique machine à produire du désordre qu'est une pièce de Feydeau. Ses intrigues sont d'une logique affolante et insaisissable (les critiques ont souvent remarqué qu'elles sont aussi solides et convaincantes qu'impossibles à résumer après le spectacle). Personne n'a jonglé comme lui avec les crises du vaudeville, leurs rencontres cauchemardesques, leurs impasses hystériques, leurs résolutions délirantes. Alors, comment résumer La Dame de chez Maxim ? Disons que s'y télescopent crûment, et avec une catastrophique drôlerie, les convenances les plus rigides (de celles qui régissent un grand mariage bourgeois en province) et la licence la plus débridée (comme celle qui renverse les meubles et provoque l'amnésie alcoolique). Ou encore, disons que c'est l'histoire d'un chien dans un jeu de quilles, avec dans le rôle du chien une danseuse de cabaret d'une verve et d'un entrain inoubliables, et dans le rôle du jeu de quilles, le reste du monde ou à peu près. Ou enfin, faute de pouvoir raconter dans quels labyrinthes de bouffonnerie paroxystique Feydeau entraîne son public, citons en désespoir de cause le jugement d'Henry Gidel : La Dame de chez Maxim, «c'est le Soulier de satin du vaudeville.» L'histoire de la rencontre entre le respectable docteur Petypon et la Môme Crevette, qui fut dès sa création un succès d'ampleur mondiale, est aussi le chef-d'oeuvre du seigneur des boulevards, éblouissant illusionniste et implacable mécanicien dont l'efficacité comique transformait en victimes consentantes ses contemporains les plus réticents : «le moyen d'avoir raison,» demandait Catulle Mendès, «contre quelqu'un qui vous fait pouffer !» À quoi tient donc le secret de Feydeau ? Il est en tout cas le fruit d'un profond sérieux, d'un refus de toute complaisance, du soin maniaque qu'il apportait à son métier. Aborder un Feydeau implique de travailler à son exemple l'intelligence des répliques et la précision des agencements. L'intelligence, car Feydeau dissémine dans ses scènes des quantités de détails dont l'accumulation, même à l'insu du spectateur, contribue à accentuer la pression de l'atmosphère comique. Et la précision, car le tempo du vaudeville, d'une grande subtilité, exige de tous les partenaires de jeu une collaboration de tous les instants. Mais après Le Roi Lear et La Mort de Danton, Jean-François Sivadier, artiste associé au TNB, peut être sûr de ses troupes et de leur goût du jeu collectif, à l'heure où il change totalement de registre pour aborder enfin - et non sans gourmandise - le maître insurpassé du nonsense cartésien et son théâtre enfantin et cruel.

 

à lire Henry Gidel : Georges Feydeau, Paris, Flammarion, 1991 Jacques Lorcey : Georges Feydeau, Paris, La Table Ronde, 1972