avec Guillaume Bachelé, Marine De Missolz, Joseph Drouet, Denis Eyriey, Antoine Ferron, Noémie Gantier, Alexandre Lecroc, Caroline Mounier, Victoria Quesnel, Tiphaine Raffier

Certains textes tiennent à la fois du diagnostic et du symptôme : ils expriment autant qu'ils décrivent. Publié en 1998, Les Particules élémentaires est de ceux-là. Ses héros, Michel et Bruno, sont tous deux nés dans le premier tiers des Trente glorieuses. Adolescents avant mai 68, ils entrent dans l'âge adulte alors que survient la crise dont la France n'est jamais sortie depuis. Demi-frères de même mère, sont-ils comme les deux moitiés d'une humanité qui ne parvient pas à réconcilier ses aspirations contradictoires ? Le premier est chercheur en génétique. Le second, après avoir passé une agrégation de lettres modernes, enseigne dans le secondaire, essaie vaguement d'écrire, y renonce assez vite. Tous deux ont un sérieux problème avec l'amour, mais pour des raisons strictement contraires : Bruno incarne son côté «je t'aime», Michel son côté «moi non plus». L'un ne cesse de le demander, l'autre de ne savoir y répondre. Car le désir selon Houellebecq n'a que deux faces également solitaires, que noue le lien du malentendu. Pour Michel le scientifique, l'amour est une fleur qu'il lui suffirait de cueillir. Annabelle, la plus belle fille du lycée, ne cache pas ses sentiments pour lui. Mais lui seul semble ne pas les reconnaître, comme si, à force de sciences de la vie, la vie même lui avait échappé. Pour Bruno le littéraire, c'est l'in- verse. L'amour ne lui est pas donné, et il n'est pas trop doué pour. Mais son besoin d'être aimé est irrépressible, et en ces années où Gainsbourg chante que «l'amour physique est sans issue», il se lance frénétiquement à sa recherche avant de rencontrer en Christiane, un soir dans un jacuzzi, la complice tant attendue de ses obsessions. Les trajectoires de leurs deux vies – deux façons d'être enfermés dans l'individualisme du XXe siècle finissant – sont étudiées de bout en bout, psychologiquement, sociologiquement, historiquement, dès avant leur naissance et jusqu'à leurs conclusions respectives : tandis qu'Annabelle et Christiane se suicident, Bruno finit dans un asile et Michel disparaît dans la mer, à l'extrême pointe de l'Occident, en laissant derrière lui des manuscrits qui bouleverseront la face du monde...

No future ? à lire Les Particules élémentaires, le présent semble lui aussi assez mal en point. Et pourtant, l'existence morne des personnages du roman est grosse à leur insu d'une postérité inimaginable. Le réalisme houellebecquien paraît se conjuguer au plus-qu'imparfait du dépressif. Il s'avère en fait être encadré par, et considéré depuis, un tout autre temps : celui (pour paraphraser Villon) des frères post-humains qui après nous vivront. Déchiffrée par notre descendance mutante du haut de son avenir de science-fiction, la franche satire du malaise contemporain voit son amertume féroce doublée d'une secrète compassion.

Quinze ans après la parution des Particules élémentaires, le regard porté par le romancier sur le dernier demi-siècle n'a rien perdu de son acuité. Mais depuis, une nouvelle génération est entrée en scène. Il est passionnant de voir comment Julien Gosselin – qui n'a pas trente ans – et ses dix camarades donnent corps à la mélancolie sardonique des analyses de Houellebecq et à la multiplicité de ses registres d'écriture. Leur spectacle, qui fut l'une des grandes réussites du dernier Festival d'Avignon, a tourné dans toute la France.  

Avec le Festival d'Automne à Paris

Certaines scènes de ce spectacle peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes, il est déconseillé aux moins de 16 ans.

Générique

adaptation et scénographie Julien Gosselin
création musicale Guillaume Bachelé
vidéo Pierre Martin
son Julien Feryn
lumière Nicolas Joubert
costumes Caroline Tavernier

assistant à la mise en scène Yann Lesvenan
administration / production Eugénie Tesson
diffusion Claire Dupont
logistique Emmanuel Mourmant

Dates de la tournée 2014-2015 : lechermoncoeur.fr


production Si vous pouviez lécher mon cœur
coproduction  Théâtre du Nord – Théâtre national Lille Tourcoing Région Nord-Pas-de-Calais, Festival d'Avignon, Le Phénix – Scène nationale de Valenciennes, La Rose des Vents – Scène nationale Lille Métropole - Villeneuve d'Ascq, Théâtre de Vanves – Scène conventionnée pour la danse, Le Mail – Scène Culturelle de Soissons
coréalisation Festival d'Automne à Paris
avec le soutien de la Drac Nord-Pas-de-Calais, de la Région Nord-Pas-de-Calais, de la SACD Beaumarchais, du Conseil général du Pas-de-Calais et de la Ville de Lille
Flammarion est éditeur du texte représenté

Si vous pouviez lécher mon cœur et Julien Gosselin sont associés au Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées et au Phénix – Scène nationale de Valenciennes

avec le Festival d'Automne à Paris

créé le 8 juillet 2013 au Festival d'Avignon

Prix du Syndicat de la critique Julien Gosselin a reçu le Prix Jean-Jacques Lerrant, révélation théâtrale de l’année, pour l’adaptation et la mise en scène des Particules élémentaires de Michel Houellebecq (Festival d’Avignon)

Biographie de Julien Gosselin

Julien Gosselin s’est formé à l’École supérieure d’art dramatique de Lille, dirigée par Stuart Seide. Avec six camarades, il forme Si vous pouviez lécher mon cœur en 2009, et met en scène Gênes 01 de Fausto Paravidino (Théâtre du Nord, 2010), Tristesse animal noir d’Anja Hilling (Théâtre de Vanves, 2010) puis Les Particules élémentaires d’après Michel Houellebecq (Festival d’Avignon, 2013). Viennent ensuite Je ne vous ai jamais aimés de Pascal Bouaziz (Théâtre national de Bruxelles, 2014), Le Père de Stéphanie Chaillou (Théâtre national de Toulouse, 2015) et 2666, adapté du roman-fleuve de Roberto Bolaño (Festival d’Avignon, 2016). Après 1993, d’Aurélien Bellanger (Festival de Marseille, avec la promotion 43 du Théâtre national de Strasbourg), il revient à Avignon pour Joueurs, Mao II, Les Noms, d’après Don DeLillo, qui lui inspire aussi Vallende Man (L’Homme qui tombe), créé à l’International Theater Amsterdam (Pays-Bas), puis Le Marteau et la Faucille (Printemps des Comédiens – Montpellier). En 2018, il est lauréat du XVeme prix Europe pour le théâtre, à Saint-Pétersbourg. En 2021, Julien Gosselin monte avec le groupe 45 du Théâtre national de Strasbourg une adaptation du Dékalog de Krzysztof Kieslowski, et met en scène Le Passé, à partir de textes de l’auteur russe Léonid Andréïev. En 2023 il crée Extinction, d’après Thomas Bernhard et Arthur Schnitzler, qui associe acteurs de Si vous pouviez lécher mon cœur et de la Volksbuehne et qui est créé au Printemps des Comédiens de Montpellier, avant le Festival d’Avignon, Berlin, Anvers, Paris (Théâtre de la Ville). Il crée Musée Duras avec des élèves de la promotion 2025 du CNSAD.

À l’Odéon, Julien Gosselin et Si vous pouviez lécher mon cœur ont présenté :
Les Particules élémentaires, de Michel Houellebecq, aux Ateliers Berthier (2014), repris au Théâtre de l’Odéon 6e (2017) ;
– 2666, de Roberto Bolaño, aux Ateliers Berthier (2016) ;
– Joueurs, Mao II, Les Noms, d’après Don DeLillo, aux Ateliers Berthier (2018) ;
Le Passé, d'après Leonid Andréïev, à l'Odéon 6e (2021).

Il est le directeur de l'Odéon Théâtre de l'Europe depuis le 15 juillet 2024.