Philomela

musique et livret JAMES DILLON
mise en scène, installation et costumes PASCAL RAMBERT
du 28 avril 2005 au 30 avril 2005
Berthier grande salle



avec Anu Komsi, Susan Narucki, Lionel Peintre, Remix Ensemble-Porto

Philomela, l'amie du chant : à l'origine de ce nom si mélodieux, une légende «étrange, noire et lumineuse», faite pour fasciner un musicien aussi curieux que James Dillon et un rêveur des scènes tel que Pascal Rambert. Car ce mythe parle, entre autres, de la façon dont le visible - texte, tissu ou broderie - peut suppléer à une langue que l'on arrache à la racine ; comment, du fond de la déréliction et du silence, peut s'inventer une voix inouïe pour proclamer la vérité et la justice ; comment, enfin, «ces personnes à qui l'on retira tout», ainsi que le note Rambert, trouvent parfois «la force de transformer leur faiblesse en puissance». Sophocle avait traité cette fable dans une tragédie dont il ne reste que des fragments. L'ensemble du mythe nous a été conservé par Ovide, qui le conte au livre VI des Métamorphoses.

Térée, régnant sur les Thraces, était venu au cours d'une guerre porter secours au roi d'Athènes Pandion. Pour lui témoigner sa reconnaissance, le vieux seigneur lui accorda la main de sa fille. De cette union naquit un fils, Itys. Mais après cinq ou six étés, souffrant de sa solitude aux confins du monde grec, Procné supplia son époux d'aller quérir sa soeur bien-aimée et de l'inviter à lui rendre visite dans sa nouvelle patrie du nord. Térée y consentit et retourna en Attique, où Pandion permit à Philomèle de repartir avec son beau-frère. A peine eurent-ils débarqué en Thrace que Térée la séquestra, la viola, puis lui coupa la langue pour faire taire ses plaintes et empêcher la malheureuse de le dénoncer. Alors Philomèle eut recours, comme dit Sophocle, à «la voix de la navette». Après avoir tissé un splendide vêtement dont les motifs racontaient son histoire, elle réussit à le faire parvenir à Procné. C'est ainsi que sa soeur vit et entendit le crime ; pour le venger, elle égorgea son propre enfant et en servit les chairs à Térée.

 

Dillon, qui est aux côtés de Ferneyhough, Finnissy et Dench l'un des principaux compositeurs anglais de sa génération, a souvent puisé son inspiration du côté de la littérature, qu'elle soit philosophique ou poétique. Mais jamais il ne s'était essayé à l'opéra. Si la fable de Philomèle l'a poussé à franchir le pas, à l'occasion d'une commande de T&M, c'est qu'elle lui a paru proposer un paradoxe captivant : pour citer à nouveau Rambert, «ne pouvant plus chanter, Philomèle, amie du mélodieux, invente oui une nouvelle expression pour dire son drame. C'est ce qui nous passionne, James et moi et c'est là où James a eu une idée géniale : choisir pour sujet central de son premier opéra, soudain le manque de chant, l'absence d'émission des sons. Philomèle à la langue coupée, l'amie du mélodieux chanté, désormais muette, c'est à nous, à James et à moi d'inventer dans quel monde sonore Philomèle nous fait rentrer désormais».