avec Jean-Pierre Bagot, Christophe Brault, Clément Bresson, Thomas Condemine, Claude Duparfait, Odille Lauria Padilla, Julie Lesgages, Pauline Lorillard, François Loriquet, Daniel Masson, Annie Mercier, Sébastien Pouderoux, Claire Wauthion
C’est une grande atteinte aux vices que de les exposer à la risée de tout le monde.
Molière
Nous parlons la «langue de Molière» comme les Allemands celle de Goethe ou les Anglais celle de Shakespeare. Il est le coeur battant de notre tradition théâtrale. Molière dramaturge est un trésor national. Mais Molière romancier ? S'il n'existe pas, il nous revient de l'inventer, affirme Stéphane Braunschweig.
Le futur directeur du Théâtre de la Colline aime aborder les grandes pièces en dégageant ce qu'il appelle leur roman sousjacent. Cette méthode d'enquête, aussi intuitive que fidèle au texte, lui permet de redonner tout leur éclat aux questions qui y sont posées, en se laissant guider par les surprises qu'elle provoque.
En l'occurrence, il est parti de l'interrogation suivante : Tartuffe est un hypocrite, sans doute, mais ce fait ne suffit pas à expliquer son influence sur sa principale victime. Car de deux choses l'une : soit il est un grand imposteur - mais toute la maisonnée d'Orgon devrait alors avoir succombé à ses pièges, et non pas le seul chef de famille ; soit son masque de piété n'a pas grand-chose de ressemblant - mais il ne devrait alors avoir trompé personne, pas même Orgon. D'où la question : pourquoi Orgon se laisse-t-il éblouir par le jeu de son hôte ? Pourquoi le faux dévot fascine-til sa dupe au point de se voir promettre la main de sa fille et la pleine possession de tous ses biens ? Il est ainsi apparu à Braunschweig que Tartuffe est d'abord un miroir fêlé dont Orgon se sert pour détourner les yeux de ses propres failles. Son succès est à interpréter comme un symptôme de la maladie d'Orgon. Et c'est en ce point que doit intervenir la conjecture romanesque : «Il faut imaginer la vie d'Orgon, son éducation stricte, sa relation à sa mère bigote ; son premier mariage avec une femme qui plaisait à cette mère, et qui ne devait donc pas incarner la joie de vivre ; la compensation retirée peut-être de sa réussite sociale et professionnelle et de l'accroissement de ses biens matériels ; son remariage avec Elmire, jeune femme joyeuse, sensuelle, avec qui Orgon peut avoir découvert les plaisirs de la chair et simultanément les affres de la jalousie [...]. L'obsession du péché, la culpabilité liée au sexe, la jalousie qui rend fou, le besoin de pureté dans un monde ressenti comme complètement corrompu, tout concourt à faire de Tartuffe l'homme providentiel, le médecin de l'âme, capable de guérir le mal dont souffrent Orgon et sa famille, les enfants n'étant pas moins truffés de symptômes que leur père ou leur grand-mère...»
Braunschweig poursuit ainsi, au-delà de la dimension comique du Tartuffe, une enquête amorcée dans ses mises en scène de Brand, Mesure pour mesure ou Peer Gynt, sur le thème de la tentation spirituelle comme face cachée de toutes les obsessions matérialistes.
Générique
costumes Thibault Vancraenenbroeck
lumière Marion Hewlett
son Xavier Jacquot
collaboration artistique Anne-Françoise Benhamou
collaboration à la scénographie Alexandre de Darden
production Théâtre national de Strasbourg
créé le 29 avril 2008 au Théâtre national de Strasbourg
Biographie de Stéphane Braunschweig
Stéphane Braunschweig est né en 1964 à Paris. Après des études de philosophie à l'École Normale Supérieure, il rejoint en 1987 l’École du Théâtre national de Chaillot dirigée par Antoine Vitez, où il reçoit une formation théâtrale pendant deux ans. En 1988, il fonde sa compagnie Le Théâtre-Machine avec laquelle il crée ses premiers spectacles. En 1991, au Centre dramatique national de Gennevilliers, il les réunit dans une trilogie intitulée Les Hommes de neige, pour laquelle il reçoit le Prix de la révélation théâtrale du Syndicat de la critique. Il est dès lors un invité régulier du Festival d’Automne à Paris, et commence à présenter son travail dans les grandes capitales européennes (Berlin, Londres, Moscou). En 1992, à l’invitation de Stéphane Lissner, il met en scène son premier ouvrage lyrique au Châtelet.
Stéphane Braunschweig est directeur du Centre dramatique national/Orléans-Loiret-Centre de 1993 à 1998. Il y crée une dizaine de spectacles qui tournent partout en France et sont accueillis dans les plus grands festivals (Automne à Paris, Avignon, Edinburgh, Istanbul, Rome), et il reçoit pour sa version intégrale du Peer Gynt d’Ibsen le prix Lerminier du Syndicat de la critique. Pendant cette période il développe une carrière internationale, à la fois dans le domaine de l’opéra (notamment à Berlin avec son Fidelio dirigé par Daniel Barenboim, mais aussi à Bruxelles et Venise) et dans celui du théâtre. Parlant l’anglais, l’allemand et l’italien, il est invité en Angleterre pour un Measure for measure de Shakespeare, au Piccolo Teatro de Milan pour un Mercanto di Venezia du même Skakespeare, et à Münich pour un Woyzeck de Büchner, qui lui vaut de recevoir le Bayerischen Theaterpreis (meilleur spectacle de théâtre de l’année en Bavière).
Stéphane Braunschweig est directeur du Théâtre national de Strasbourg et de son École de 2000 à 2008. Il y développe un projet composé de trois axes principaux : faire de Strasbourg un véritable carrefour théâtral européen, installer une petite troupe permanente qui soit l’âme artistique du théâtre, et redynamiser profondément l’École en y créant – pour la première fois en France – une formation à la mise en scène et à la dramaturgie. En huit ans le nombre d’abonnés est plus que doublé, Strasbourg redevient une place importante pour le théâtre en Europe, et l’École peut se flatter d’avoir formé quelques-uns des meilleurs jeunes metteurs en scène actuels. Parmi ses mises en scène marquantes, Brand d’Ibsen en 2005 et Tartuffe de Molière en 2008 sont à nouveau couronnés par le Prix Lerminier du Syndicat de la critique. Pendant cette période il met en scène de nombreux opéras au Festival d’Aix-en-Provence, en particulier un Ring de Wagner en co-production avec le Festival de Pâques de Salzburg et l’Orchestre Philharmonique de Berlin, dirigé par Sir Simon Rattle. Sa production de Wozzeck de Berg à l’Opéra de Lyon en 2003 est récompensée par le Prix Rostand du Syndicat de la critique. Et en décembre 2008, il crée Don Carlo de Verdi pour la prestigieuse inauguration de la saison de La Scala de Milan.
Stéphane Braunschweig est directeur du Théâtre national de la Colline de 2010 à 2015. Son projet est de changer la perception des écritures contemporaines en donnant une large place aux « écritures de plateau » et donc aux jeunes metteurs en scène, et de fidéliser un large public autour de spectacles qui sont autant d’aventures et de découvertes. Il s’entoure à la fois d’artistes associés de renom comme Stanislas Nordey ou encore peu connus comme Célie Pauthe ou Caroline Guiela Nguyen, et initie des expériences pilotes dans le domaine de l’éducation artistique et de la transmission des savoirs. Pour la saison 15-16, le nombre d’abonnés de La Colline se situe pour la première fois au-delà de son seuil historique de 10000. Parmi ses mises en scènes marquantes, on peut citer son adaptation de Six personnages en quête d’auteur de Pirandello au Festival d’Avignon et ses Géants de la montagne du même Pirandello, ses créations de l’auteur norvégien contemporain Arne Lygre, ou encore son Canard sauvage, invité par le Festival Ibsen d’Oslo qui sélectionne les meilleures productions mondiales d’Ibsen des deux dernières années. À l’opéra il signe notamment des mises en scène pour l’Opéra-Comique (Pelléas et Mélisande de Debussy) et le Théâtre des Champs-Élysées (Idoménée et Don Giovanni de Mozart, Norma de Bellini).
Stéphane Braunschweig est directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe de 2016 à 2024. Dès son arrivée, il associe à son projet Caroline Guiela Nguyen, Christiane Jatahy, Sylvain Creuzevault et Simon Stone : deux femmes et deux hommes, deux Français, une Brésilienne et un Australien, et parmi eux trois jeunes trentenaires. Stéphane Braunschweig affiche clairement le désir d’ancrer le Théâtre de l’Europe dans un paysage qui dépasse les frontières de l’Europe, et d’y développer une programmation qui tende vers l’égalité femmes-hommes toute en faisant une place importante à la découverte de jeunes artistes français et étrangers. On peut notamment citer le Russe Timofeï Kouliabine ou l’Anglais Alexander Zeldin, lequel devient aussi artiste associé à partir de 2020. Stéphane Braunschweig s’attache aussi à promouvoir plus de diversité sur les plateaux, que ce soit dans ses propres distributions (Soudain l’été dernier, Macbeth, Iphigénie…) ou en poursuivant pendant deux saisons le projet d’éducation artistique 1er ACTE qu’il avait initié à la Colline. Parmi ses spectacles les plus marquants, on peut retenir une École des femmes de Molière qui entre de plein fouet en résonance avec le mouvement #MeToo, Comme tu me veux de Pirandello, une pièce rarement jouée sur les traumatismes européens de la Guerre de 14, Nous pour un moment et Jours de joie, poursuite de son compagnonnage avec l’auteur norvégien Arne Lygre. Sa dernière création, une relecture des passions amoureuses d’Andromaque à travers les traumatismes de la guerre, reçoit un accueil enthousiaste. Pendant cette période il signe également une première mise en scène à la Comédie-Française (Britannicus de Racine), au Théâtre national d’Oslo (Solness le constructeur d’Ibsen), au Théâtre des Nations de Moscou (Oncle Vania de Tchekhov) et au Dramaten de Stockholm (Jours de joie de Lygre). À l’opéra, il fait la création mondiale de Sonate d’automne de Sebastian Fagerlund à l’Opéra d’Helsinki et revient au Théâtre des Champs-Elysées pour Eugène Onéguine de Tchaikovski. Il met en scène également le Requiem de Mozart à l’Opéra de Bordeaux.
Après près de 30 ans de direction de théâtres, Stéphane Braunschweig décide de se consacrer désormais pleinement à son travail artistique. Avec sa nouvelle compagnie Pour un moment, il prépare La Mouette de Tchekhov et À notre place de Arne Lygre. En 2025 il mettra en scène La Flûte enchantée de Mozart à Stockholm, Le mariage secret de Cimarosa à l’opéra San Carlo de Naples, et Iolanta de Tchaîkovski à l’opéra de Bordeaux.
Stéphane Braunschweig est également scénographe : il a signé quasiment toutes les scénographies de ses spectacles.
Comme pédagogue, Stéphane Braunschweig a enseigné le jeu, la scénographie et la mise en scène dans de nombreuses écoles, à commencer par celle du Théâtre national de Strasbourg, le Conservatoire national de Paris ou l’Ecole régionale de Cannes.
Outre ses presque quatre-vingt mises en scène de théâtre et d’opéra, Stéphane Braunschweig est auteur et traducteur. Il a publié aux éditions Actes Sud un recueil de textes et d’entretiens sur le théâtre intitulé Petites portes, grands paysages, et il a traduit de l’allemand, de l’italien ou du norvégien des pièces de Büchner, Kleist, Brecht, Pirandello et Lygre.
Stéphane Braunschweig est Chevalier de la Légion d’honneur, Chevalier de l’Ordre national du Mérite, Officier des Arts et des Lettres et Commandeur de l’ordre royal norvégien du mérite. Il a également reçu le Prix Copola et Prati (1991) et le Prix européen pour le théâtre de la Fondation Européenne de la Culture (2005).
Ses mises en scènes à l'Odéon :
Franziska de Frank Wedekind, en janvier 1996
Tartuffe de Molière, en septembre-octobre 2008
Soudain l'été dernier, de Tennessee Williams, en mars-avril 2017
Macbeth, de William Shakespeare, en janvier-mars 2018
L'École des femmes, de Molière, en novembre-décembre 2018
Nous pour un moment, de Arne Lygre, en novembre-décembre 2019
Oncle Vania [Дядя Ваня], d’Anton Tchekhov, en janvier 2020
Iphigénie, de Jean Racine, en septembre-octobre 2020
Comme tu me veux, de Luigi Pirandello, annulé en janvier 2021 et reprogrammé en septembre-octobre 2021
Jours de joie, d'Arne Lygre, en septembre 2022, en avril-mai 2024
Andromaque, de Jean Racine, en novembre-décembre 2023
La Mouette, d'Anton Tchekhov, en novembre-décembre 2024
Infos pratiques
durée : 2h10 sans entracte